L’idée de cette série de pochettes d’albums imaginaires m’est venue lorsque j’ai essayé d’associer mes photos de métro à des mélodies de jazz. Toutes les images ont été prises entre 2001 et 2017 dans les métros de Lille, Paris, Londres, Moscou, Kyiv, Tokyo et New York — des villes où j’ai vécu ou que j’ai souvent visitées.
La plupart des titres de morceaux sont empruntés à des albums qui ont marqué ma vie depuis les années 1990. Les autres, je les ai inventés. L’inspiration principale vient de Blue Note Records — ses pochettes vibrantes et contrastées ont façonné l’identité de ce projet.
Mon amour du jazz a commencé dans le salon de mes parents, avec un vieux disque de Dixieland du Firehouse Five. Plus tard, j’ai commencé à constituer ma propre collection — d’abord à la FNAC de la rue de Rennes. C’est là que j’ai découvert Blue Note.
Pour moi, les albums du label étaient de véritables œuvres d’art — où musique, photographie et typographie étaient intimement liées. J’ai découvert que la plupart des photos avaient été prises par Francis Wolff, proche ami du fondateur de Blue Note, Alfred Lion, qui avait fui à New York pour échapper au nazisme.
J’ai viré les images en sépia, rouge et brun grâce à des bains chimiques dans ma chambre noire. Les teintes bleues et vertes ont été ajoutées numériquement lors de la numérisation des négatifs Kodak Tri-X. Dans ces images, les tonalités majeures et mineures coexistent — quelque part entre rêve et réalité.
Une blue note est une note jouée un demi-ton plus bas que la normale — une dissonance musicale chargée d’émotion. Comme ces notes, mes photos sont feutrées, ombragées, souterraines. Elles font écho à la mélancolie et à l’expressivité héritées des racines pentatoniques africaines, fusionnées avec l’harmonie occidentale.
La série se termine par une citation du sonnet Voyelles d’Arthur Rimbaud : « A — noir, E — blanc, I — rouge, U — vert, O — bleu… » La voyelle « O », associée au bleu, évoque pour moi une roue de métro tournant dans l’obscurité.